Mayotte est désormais la 9ème Région Ultrapériphérique Européenne

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En mars 2011, Mayotte était devenue le 101° département français selon les vœux de sa population. Il lui restait alors trois ans pour se préparer à entrer dans le clan des RUP*, aux côtés de St Barthélemy, des Açores, des Canaries, de la Guadeloupe, de la Guyane, de Madère, de la Martinique, et de la Réunion. Depuis le 1er Janvier 2014, c’est chose faite et nous n’en avons guère entendu parler sur nos chaînes nationales. Pourtant, Mayotte fait à l’Europe et à la France un grand cadeau en leur permettant d’agrandir leur zone d’influence dans un monde fini, de s’enrichir d’une nouvelle culture, d’un nouveau paradis et d’une nouvelle façade maritime.

Mayotte était elle prête à entrer dans ce grand ensemble?

A des milliers de kilomètres de Bruxelles, la petite île – ou plutôt l’ensemble de quatre petites îles – localisée dans le canal du Mozambique, avait en 2012 une population qui s’élevait à un peu plus de 212.000 habitants, soit l’équivalent d’une métropole de taille moyenne. Quand en ticket d’entrée, on lui promet une enveloppe de fonds structurels pouvant s’élever sur la période 2014-2020, à 475 millions d’euros, dont 224 dès 2014 pour co-financer des projets, sa réponse est évidemment « oui je suis prête » ! Mais en échange, l’UE va réclamer à cette petite terre du bout du monde les mêmes efforts qu’à ses grandes régions développées. Si l’entrée dans l’UE confère des droits, elle engendre des devoirs, dont principalement celui d’en respecter les lois, à savoir les nombreuses Directives. Et en cas d’incapacité, les amendes pleuvent…

Le 15 Juillet 2012, à la première visite de Victorin Lurel à Mayotte, les élus avaient mis en garde : « Mayotte n’est pas bien préparée à son nouveau statut de RUP », « Il faut profiter des mois restants pour former les mahorais à l’utilisation des subventions européennes », avait estimé le sénateur mahorais M. Soilihi.

La situation à Mayotte est vraiment difficile : la plupart des municipalités sont en faillites et encore dans l’incapacité d’appliquer les règles du jeu européennes en matière d’assainissement, d’acheminement de l’eau potable, de réglementation de la pêche, d’infrastructures, d’éducation… La majorité de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Trop vite passée d’un état de sous développement à une réglementation de pays riches, l’île ne répond pas aux conditions fixées par les Directives qu’elle va devoir respecter. Les députés européens ont donc dû travailler durant tout le dernier trimestre 2013 à l’établissement de dérogations pour assurer des délais supplémentaires et éviter les pénalités.

Au cœur du défi, l’eau

L’Europe a fait de la question de l’assainissement une condition sine qua non de la généralisation des autres fonds. 21% de la population n’a pas encore accès à l’eau potable. Ce dossier et celui des réseaux de traitement des eaux usées inquiètent à Bruxelles. Il est chiffré à 700 M€, les élus souhaitant consacrer 65 millions à l’assainissement et 29 millions à l’eau potable dès 2014. Les financements européens sont attendus à 80% des besoins.

La qualité de l’eau potable dans les communes du sud de l’île est parfois dégradée et sujette aux accidents climatiques. Souvent l’eau du robinet prend une couleur inhabituelle et trouble. Outre les problèmes de qualité, Mayotte rencontre aussi des problèmes d’approvisionnement. Le remplissement des retenues collinaires de Combani et de Dzoumogné sont tributaires de la pluviométrie, et l’approvisionnement en eau est régulièrement insuffisant.

La période de transition adoptée par la Parlement Européen va permettre à Mayotte de ne pas se trouver dans une illégalité pénalisante.

Un autre dossier a été longuement discuté, celui de la pêche

Le lagon, 1550 km2, est un des plus beaux du monde, véritable nurserie pour beaucoup d’espèces comme les tortues, les dugongs, les dauphins, ou la baleine à bosse… Il constitue l’attrait touristique majeur de Mayotte. Mais la superbe barrière de corail est menacée par l’érosion qui entraîne des déversements de boue dans le lagon et pollue les plages, tandis que la pêche a tendance à s’intensifier mettant en péril l’équilibre de la ressource.

Pour l’instant, le lagon vit sur un statut de protection assez avancé. Face à la pêche de plus en plus intensive, les deux députés Joao Ferreira et Younous Omarjee ont réussi à faire adopter un compromis intelligent. « Le Parc Naturel Marin de Mayotte pourra aussi dans les années à venir, avec l’appui de tous les acteurs mahorais, tenter de continuer à défendre les intérêts de ses petits pêcheurs et de la protection de la biodiversité en s’appuyant sur l’amendement que le député a fait adopter et qui précise que “la France peut adopter les mesures de conservation jugées nécessaires à la préservation des valeurs naturelles protégées par la législation portant création du parc naturel marin de Mayotte ». Pêche et protection devraient ainsi pouvoir cohabiter.

Restent les dossiers épineux :

 – celui de la piste de l’aéroport
Si elle veut miser sur le tourisme principalement lié aux beautés du lagon, Mayotte a besoin d’agrandir sa piste d’atterrissage trop petite pour recevoir les grands courriers. Or pour l’allonger il faut empiéter sur le sacro saint lagon ! A cause de cela depuis des années le dossier piétine. L’Europe a promis d’aider l’île à régler les contradictions grâce à ses experts.

 – celui des mouvements migratoires
Certains élus, les « Indignés de Mayotte » s’étaient opposés à l’octroi du statut de RUP, en envoyant une lettre aux députés européens : “En votant en faveur de ce nouveau statut pour Mayotte, vous soutenez un processus géopolitique qui déstabilise cette région, par la dangereuse balkanisation de l’archipel des Comores. La séparation impossible de ces populations et de ces îles, au nom d’une politique colonialiste d’un autre âge, est la source de beaucoup de souffrances constatées chez les habitants de Mayotte“. Les liens familiaux avec les îles Comores créent des échanges clandestins dûment réprimés depuis quelques années. En entrant dans l’UE, Mayotte n’entre pas dans l’espace Schengen et peut maintenir une réglementation concernant son accès. Mais la réglementation en œuvre sur l’île, difficile, est conduite par les politiques locales. L’entrée dans l’Europe introduit de nouvelles règles du jeu avec application stricte des règlements concernant les droits de l’homme souvent en contradiction ou mal adaptés aux moyens dont disposent Mayotte. L’encadrement des clandestins, déjà délicat, va se complexifier.

Enfin ne nous y trompons pas, il y a aussi dans ce dossier un dessous des cartes et d’autres intérêts en jeux. Comme souvent les relations France – Europe – Outremers sont dictées par la géopolitique et la géostratégie.

Avec Mayotte, la France et l’Europe se dotent d’une base navale stratégique au fin fond de l’Océan Indien. Le 9 Janvier, symboliquement, le navire-amiral de la force navale européenne Eunavfor Atalanta, le Siroco, a effectué une escale à Dzaoudzi. La grande muette n’a pas déplacé son navire amiral sans arrières pensées. N’oublions pas que remplaçant les Etats-Unis, l’Union européenne a pris la tête du Groupe de contact sur la lutte contre la Piraterie au large des côtes somaliennes (CGPCS). L’escale du navire français était donc doublement « significative » comme l’a rappelé, dans un communiqué, le commandant de la force européenne, le contre-amiral Hervé Bléjean : « Cela nous rappelle à quel point l’Union européenne est engagée dans la lutte contre la menace de la piraterie. Et Mayotte est un point clé pour cela ».

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