Par Raphaël Proust, le 02 décembre 2018 à 12h52.
L’Opinion.
La France insoumise doit dévoiler les vingt premiers noms de sa liste de candidat aux élections européennes à l’occasion de la convention du mouvement qui se tiendra le week-end prochain à Bordeaux. Parmi eux, le député européen Younous Ormarjee, 49 ans, va figurer en très bonne place.
Ce mardi 16 octobre un peu après 9 heures du matin, Jean-Luc Mélenchon se filme pour la deuxième fois en direct sur Facebook depuis son appartement parisien que les policiers arpentent dans le cadre de la désormais fameuse perquisition de son domicile. Furieux, le chef de file de La France insoumise (LFI) prévient qu’il ne se laissera pas faire. « J’ai à côté de moi les amis qui arrivent, voici Younous Omarjee avec moi », annonce-t-il aux internautes en pointant la caméra de son téléphone sur l’ami en question.
La scène se répétera les jours suivants, au fil du compte rendu des événements que Jean-Luc Mélenchon fera à ses abonnés sur les réseaux sociaux. Chaque fois, le député européen est là, preuve de la relation de grande proximité que cet élu peu connu du grand public entretient avec le député des Bouches-du-Rhône. Ce dernier, on le sait, mène son combat politique aux côtés d’une poignée de fidèles qui le suivent depuis une vingtaine d’années. Ceux qui l’ont rejoint au moment de la création du Parti de gauche en 2009 puis de LFI font partie des nouvelles têtes du mouvement, notamment à l’Assemblée nationale. Younous Omarjee, lui, est un proche discret autant qu’indispensable au Parlement européen où il est la clé de voûte du futur dispositif insoumis.
Voisin. A 49 ans, son nom devrait en toute logique figurer en très bonne place dans la liste pour les élections européennes qui sera dévoilée à l’occasion de la convention de LFI le week-end prochain à Bordeaux et dont la constitution a suscité une crise interne. Le seul élu insoumis à Strasbourg et Bruxelles, où il siège depuis 2012, sera sans aucun doute le vétéran du « commando de combat » que Jean-Luc Mélenchon veut former à l’issue du scrutin européen de mai prochain. C’est d’ailleurs sur ces bancs, côte à côte, que les deux hommes ont appris à se connaître et se sont rapprochés politiquement, bien qu’ils se soient rencontrés bien auparavant.
« Je l’ai croisé pour la première fois au Sénat où j’ai longtemps travaillé avec Paul Vergès », se souvient-il. Vers la fin des années 1990, Younous Omarjee devient en effet le collaborateur du sénateur communiste réunionnais décédé en 2016, son « maître à penser » qu’il suivra des ors de la chambre haute jusque dans les couloirs du Parlement européen à partir de 2004. En 2012, leurs chemins se séparent toutefois. « Paul Vergès a choisi de soutenir François Hollande et moi Jean-Luc Mélenchon, j’étais le seul parlementaire de gauche des outre-mer à le faire », se rappelle-t-il. Cette année-là, il entre au Parlement européen à la suite de la démission du député Elie Hoarau, élu trois ans plus tôt sur la liste de l’Alliance des outre-mers.
Tout au long de la législature et « loin de la pression parisienne », Younous Omarjee va achever de convaincre un Jean-Luc Mélenchon qui a déjà opéré sa mue vers l’« écosocialisme » du Parti de gauche. L’environnement était déjà l’un des sujets de prédilection de Paul Vergès, militant pour l’autonomie énergétique et président de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, créé en 2001. « Vergès avait beaucoup d’estime pour Jean-Luc qui a apporté une dimension intellectuelle à notre travail, on s’est par la suite rapprochés au Parlement européen où je pense avoir contribué sa conscience, notamment sur la question de la souffrance animale », explique le député européen.
« Tête dure ». Depuis, l’écologie a pris une place encore plus centrale dans le programme de La France insoumise. Le mouvement, qui dispose encore de peu d’élus en dehors de l’Assemblée, a ainsi massivement communiqué sur l’interdiction de la pêche électrique par le Parlement européen en janvier dernier obtenu, entre autres, grâce au travail de Younous Omarjee. Il reconnaît modestement : « J’ai réussi à faire bouger quelques lignes au sein de mon groupe », GUE-GNL (gauche radicale). C’est ce sens de l’institution qui, demain, pourrait être bien précieux pour des Insoumis qui vise une quinzaine de députés européens.
« C’est un grand bosseur, quelqu’un de déterminé qui va jusqu’au bout des dossiers. Il a compris que la méthode au Parlement européen est de travailler avec tout le monde, de se battre sur des argumentaires pour gagner des majorités », juge l’eurodéputée écologiste Karima Delli. Younous Omarjee, il est vrai, n’a rien des « têtes dures » qui entourent Jean-Luc Mélenchon et dont il est si fier. « Je pense qu’il n’aime pas se fâcher avec les gens, il a un rapport différent avec la conflictualité », confirme son collègue et futur colistier Emmanuel Maurel qui vient de quitter le PS pour se rapprocher de LFI.
Cela tombe bien : Younous Omarjee est également le référent insoumis au sein de « Maintenant le peuple », l’alliance européenne formée entre autres avec les Espagnols de Podemos. Sur le papier, voilà un CV idéal pour emmener la liste aux européennes. Plusieurs colistiers le verraient d’ailleurs d’un bon œil. Comme ses camarades, l’intéressé ne laisse rien deviner derrière son sourire.