L’Afrique doit siéger au Conseil de sécurité de l’ONU. C’est une urgence diplomatique et morale.

Le Conseil de sécurité de l’ONU est composé de 15 membres, dont 5 permanents avec droit de veto (États-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni) et 10 non permanents élus pour deux ans. Ces derniers sont renouvelés régulièrement par l’Assemblée générale de l’ONU. L'Afrique est le seul continent sans représentation permanente, malgré son poids démographique et géopolitique.
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Discours de Younous Omarjee à l’Africa Political Outlook

Chacun de nous a bien conscience que nous vivons un moment singulier dans l’Histoire. Un de ces moments où nos logiciels du passé méritent d’être révisés car devenus périmés devant les transformations rapides qui affectent le monde. Et que dans ce moment, nous avons besoin de penser, de penser ensemble, de partager nos analyses, de les confronter les unes aux autres pour saisir au mieux ce moment où nous ressentons que le monde bascule.

La question n’est pas de savoir si nous devons retenir un ordre mondial générateur – quoiqu’on puisse en dire – de nombre de désordres et d’inégalités, ni même si nous devons accélérer un basculement dont, à cette heure, personne ne semble véritablement maîtriser le sens, la direction et les conséquences.

Un nouvel agencement géopolitique mondial

La question à cette heure est d’être lucide sur un nouvel agencement géopolitique qui est en train de naître sous nos yeux, totalement inachevé et qui ouvre sur des équations à ce stade encore inconnues.

Ce qui doit nous interroger et nous inquiéter, c’est que cette nouvelle donne géopolitique est en train de naître non pas à la faveur de la diplomatie, pas davantage de traités, encore moins dans le calme des salles de négociations ou des instances multilatérales, mais dans la tourmente des conflits, dans le nouveau règne de la force sur le droit, dans le recul brutal y compris dans ce que l’on appelle l’Occident, dans le recul brutal des libertés et dans la montée de nombreux nouveaux périls.

La démocratie est de nouveau questionnée, fragilisée et de nouveaux autoritarismes émergent. La voix des peuples s’étouffe sous le bruit des armes, la paix semble être devenue comme un gros mot et c’est tout le droit international et avec lui ce que notre civilisation a de plus précieux qui semble vaciller.

L’Afrique a fait la démonstration qu’elle peut parler au monde.

Dans un monde fragmenté, l’Afrique a fait la démonstration qu’elle peut parler au monde. C’est l’action de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice contre les crimes contre l’humanité à Gaza.

Cette action, au nom du droit et de la dignité humaine, qui restera dans l’histoire comme un acte de courage moral, venue d’Afrique, est posée au nom de l’humanité tout entière.

Dans ce monde en bascule, c’est un renversement sans précédent qui s’est accompli : quand il n’y avait plus rien à attendre des pays du Nord qui se sont faits complices de crimes de guerre et des massacres commis à Gaza, c’est le Sud qui relève pour le monde le drapeau des valeurs universelles. C’est cette Afrique qui parle au monde, non plus au nom d’un continent périphérique, mais au nom des principes universels qui annoncent une bascule historique.

En 2050, un jeune sur trois sera africain

C’est cette même Afrique qui, j’en suis convaincu, saura, face à la nouvelle administration Trump ou au jeu impropre de Vladimir Poutine, refuser de danser au carnaval des autres pour défendre ses choix souverains et ses partenariats stratégiques loin des logiques d’alignement ou des dogmes d’ingérence.

Aujourd’hui, il nous faut regarder l’Afrique pour ce qu’elle est : un continent d’avenir, une puissance géopolitique en construction, un acteur incontournable du XXIᵉ siècle. Et non plus à travers le prisme fatigué de la condescendance, de la dépendance ou du paternalisme.

L’Afrique, c’est aujourd’hui près de 1,8 milliard d’habitants. Demain, ce sera 2,3 milliards en 2050. En 2050, un jeune sur trois sera africain. Et en 2100, selon l’ONU, ce sera 4,2 milliards d’habitants, soit un habitant sur trois sur la planète.

Posons-nous la question : pourquoi l’idéal démocratique recule-t-il aujourd’hui ?

Nous le voyons en Europe : quand la démocratie rime avec précarité, inégalité, pauvreté, quand elle ne garantit ni justice sociale ni souveraineté économique, elle est fragilisée et devient vulnérable. Et amène nationalisme, repli et xénophobie.

Le changement climatique, lui, n’attend pas. Il frappe partout avec violence : sécheresse, inondations, insécurité alimentaire, avec pour conséquence les migrations climatiques qui ont déjà commencé.

Pas de tutelle, pas de leçons

Dans tout cela, comment avancer ? Nous devons bâtir cette coopération dans un esprit de responsabilité réciproque. Pas de tutelle, pas de leçons ; mais des partenariats équitables fondés sur la confiance, la transparence, la coresponsabilité.

Le prochain sommet du G20 en Afrique du Sud est un moment historique. Pour la première fois, l’Afrique accueillera les économies les plus puissantes du monde. Elle y sera chez elle.

Dans le prolongement, il faudra avancer pour que l’Afrique siège au Conseil de sécurité de l’ONU. C’est une urgence diplomatique et morale.

Pour conclure, je veux croire dans la possibilité d’un pacte entre l’Europe et l’Afrique. Un pacte pour la justice climatique, pour la démocratie, pour la paix. En ce temps de bascule, il nous faut choisir le camp de l’histoire et du progrès.

L’Histoire comme le Progrès passe par l’Europe et par l’Afrique.

Je me rendrai très prochainement à Addis-Abeba pour rencontrer le nouveau Président de la Commission de l’Union africaine, M. Mahamoud Ali Youssouf, auprès de qui je porterai ce discours.

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