Tribune de Younous Omarjee (GUE), Jean-Paul Besset, Eva Joly (Verts), Jean-Luc Bennahmias, Corinne Lepage et Robert Rochefort (ADLE), députés européens.
Le 6 février, le Parlement européen s’est prononcé à une large majorité (502 voix contre 137) en faveur d’une réforme radicale de la politique commune des pêches (PCP). Ce vote pourrait constituer un moment historique. Il constitue à la fois une rupture et une alternative.
En lieu et place des logiques productivistes d’exploitation des ressources halieutiques et du milieu marin qui ont entraîné déclin de la filière et régression des emplois (25 % de prises en moins et 30 % de destruction d’emploi ces dix dernières années malgré un flux important de subventions publiques), la priorité est accordée cette fois au renouvellement de la ressource et aux critères de pêche permettant la restauration des stocks d’ici 2020 et, par conséquent, la renaissance économique et sociale du secteur. Pour la première fois, le principe de durabilité s’inscrit en déterminant majeur d’une politique européenne
UNE VISION DE LONG-TERME
Nous nous félicitons donc que les eurodéputés aient mis en oeuvre, à une si large majorité, une vision de long-terme pour rétablir les stocks européens et redonner un avenir à l’ensemble de la filière pêche. Ce résultat donne une solide légitimité au rapporteur, Mme Ulrike Rodust, qui va maintenant devoir négocier avec les Etats membres pour maintenir le niveau d’ambition de la réforme.
Mais il y a une ombre au tableau et celle-ci est franco-française : les eurodéputés socialistes français, rejoints par les eurodéputés français de l’UMP ont, d’un même élan, voté contre cette proposition. Au grand soulagement probable du gouvernement français qui, en la matière, s’arque-boute sur le statut quo et la gestion du court terme. Ce “vote français” se présente comme un véritable front du refus de la dimension écologique pourtant indissociable aujourd’hui des questions économiques.
Heureusement, l’immense majorité des députés des groupes libéraux et démocrates (ALDE), verts (Les Verts/ALE), socialistes (S&D) et gauche unitaire européenne (GUE/NGL) ainsi qu’une moitié des conservateurs européens (groupe PPE) se sont prononcés en faveur de cette réforme.
UN COMBAT D’ARRIÈRE GARDE
Le vote du Parlement ne suffit pas à lui seul à entériner la réforme. Maintenant la Commission européenne, le Parlement et le Conseil vont engager des négociations pour tenter de parvenir à une position commune. Le gouvernement français, au sein du Conseil, s’entêtera-t-il à mener un combat d’arrière garde ?
Il doit accepter de changer de cap, comme la majorité du Parlement a su le faire en appréhendant une vision écologiste raisonnable de la situation. La question de la pêche ne s’arrête pas aux rivages de Boulogne-sur-Mer. Comme la politique agricole, la politique de la pêche engage notre avenir à tous. Elle conditionne l’avenir des écosystèmes, celui d’hommes et de femmes du métier et, plus largement, l’avenir de la sécurité alimentaire mondiale.
Le temps est venu de comprendre que la durabilité des ressources devient une des principales pierres d’angle des politiques, un impératif déterminant, pour la pêche comme pour tous les secteurs économiques.
Younous Omarjee (GUE), Jean-Paul Besset, Eva Joly (Verts), Jean-Luc Bennahmias, Corinne Lepage, et Robert Rochefort (ADLE)