Je voudrais rappeler un certain nombre de chiffres concernant les régions ultra-périphériques (RUP) pour bien comprenne bien ce dont on parle. Et pour que l’on mesure combien nous avons encore à accomplir des efforts pour réduire les fractures dans ces régions éloignées que pour leur permettre d’atteindre les nouvelles transitions auxquelles nous sommes tant attachés.
“À La Réunion, un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté”
Je veux rappeler concernant la pauvreté qu’en 2019 et ce sont les chiffres de la Commission, la proportion des personnes menacées de pauvreté étaient de 28,5% aux Canaries, de 31,8% aux Acores et de 27,8% à Madère que 34% des personnes en Guadeloupe vivent en situation de précarité et qu’une personne sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté dans les zones rurales à La Réunion mais que globalement près d’un tiers de la population à La Réunion est en dessous du seuil de pauvreté.
Lorsque l’on parle des RUP on parle de territoires qui sont encore très en deçà des niveaux moyens à l’échelle de l’union. En 2017, 8 enfants sur 10 à Mayotte et 6 sur 10 en Guyane vivent dans un ménage menacé de pauvreté et je pense que les chiffres en Guyane, en Martinique, ne sont pas beaucoup meilleurs.
Concernant l’accès à un logement décent, à l’eau, à internet, aux transports, à l’énergie, nous sommes également sur des indicateurs inquiétants. En Guyane par exemple, 53% des habitants vivent dans des logements surpeuplés. 53% en Guyane et 8% en France métropolitaine. Et 56% des résidences à Mayotte sont surpeuplées. Chacun connait les difficultés concernant l’eau. A Mayotte, en Guadeloupe ou même à la reunion, même à la Guyane. À Mayotte, un tiers des ménages n’a pas accès à l’eau chaude. En Guadeloupe, les habitants ne disposent pas d’un accès permanent à l’eau en raison de fuites sur les réseaux de distribution. Je pourrais continuer cette liste pendant très longtemps.
“Les préalables que doivent poser l’État membre pour permettre la performance des fonds européens ne sont pas posés”
Cela pose pour nous une double question. D’abord une question en direction de l’État membre. J’ai la conviction que les préalables que doivent poser l’État membre pour permettre la performance des fonds européens ne sont pas posés dans ce qui relève de sa compétence première. En matière d’éducation, de santé, d’investissement sur un certain nombre d’infrastructures, l’État membre est en deçà de ces obligations et de ses devoirs.
Cela pose bien sur une question au législateur européen que nous sommes. Puisque nous savons l’intervention puissante depuis plusieurs programmations de l’Union européenne en faveur des RUP mais malgré tout la détérioration de la situation. Et une détérioration qui ne cesse de s’aggraver au fur et à mesure des crises. Puisque nous savons que les RUP sont beaucoup plus fragiles devant les crises qui peuvent se présenter. Nous l’avons vu durant la crise du Covid et nous le voyons avec la guerre en Ukraine, concernant les prix d’un certain nombre d’intrants. Cela rend la stratégie pour les RUP, présentée la Commission européenne, extrêmement attendue.
Mais nous attendons de savoir quelles sont les novations apportées aujourd’hui par la Commission pour que l’on puisse s’attaquer de fond à ces problèmes. Notre commission a toujours soutenu toutes les stratégies pour les régions ultrapériphériques. Nous ferons le travail d’évaluation des stratégies passées. L’engagement de la Commission dans une nouvelle stratégie pour les RUP est extrêmement importante. C’est l’affichage d’une ambition politique qui doit être supportée par une action engagée au sein de la Commission européenne ; pour que les particularités à travers l’article 349 du Traité que nous attendons pour les RUP soient pleinement appliqués par l’ensemble des directions de la Commission européenne.
Nous connaissons le travail réalisé par la Commissaire Ferreira au titre de la politique régionale mais nous comptons aussi sur elle et sur vous pour que cette transversalité puisse devenir pleinement effective. La seule politique régionale ne pourra répondre à l’ensemble des objectifs visés qui couvre toutes les politiques. Et appelle à une application pleine, entière et dynamique de l’article 349 dans toutes les politiques européennes.
“Nous avons maintenu les niveaux de cofinancement à hauteur de 85% quand la Commission européenne avait proposé une baisse à 70%”
Dans les négocations pour les nouveaux règlements 2021-2027, pour ce qui relève de la politique régionale, nous avons assuré à peu près l’ensemble des demandes qui ont été formulées par les présidents des RUP. Je veux rappeler que nous avons commencé les discussions budgétaires avec beaucoup d’interrogations. Nous en avons parlé ce matin avec le président du Comité européen des régions et nous avons au final une consolidation des moyens budgétaires pour les RUP et une augmentation de l’enveloppe additionnelle concernant les surcoûts.
Nous avons également maintenu les niveaux de cofinancement à hauteur de 85% quand la Commission européenne avait proposé une baisse à 70%. Nous avons participé au trilogue. Nous savons combien, dans les règlements de la cohésion, les dispositions dérogatoires fondées sur l’article 349 ont été prises en compte. L’enjeu pour nous, et nous espérons que la stratégie y aidera, est que l’ensemble des politiques de l’UE soit mobilisé de la même manière, en particulier la politique commerciale.
La Commission REGI se rendra dans les îles Canaries à partir du 23 mai prochain. Nous allons observer la situation après l’irruption volcanique qui a crée des fragilités supplémentaires. Mais aux Canaries comme dans les Antilles, il y a des problèmes concernant le libre échange, qu’il s’agisse du commerce de la banane ou du sucre. Il en va de même à La Réunion où les intérêts des productions des RUP ne sont pas forcément sauvegardés dans les politiques européennes et dans les accords commerciaux. Le défi qui est devant nous, c’est de mettre toutes les politiques au pas des objectifs vertueux indiqués dans la stratégie. C’est tout le bien que nous vous souhaitons, et nous en connaissons la difficulté.
“Le défi est de mettre toutes les politiques au pas des objectifs vertueux indiqués dans la stratégie, y compris les accords commerciaux”
Car, en réalité, s’agissant des objectifs stratégiques, nous les partageons et les régions ultrapériphériques elles-mêmes, sans attendre l’Union européenne ou l’État membre savent qu’il faut viser l’autonomie énergétique. Elles savent qu’il faut approfondir les potentiels dans l’économie. Elles savent tout ce qu’on peut tirer de la biodiversité. Et que les enjeux sociaux sont extrêmement importants. Les modèles de développement sont trouvés. Il faut maintenant trouver les agencements pour permettre d’atteindre ces objectifs plutôt que d’avoir un certain nombre de politiques contradictoires qui viennent freiner la marche.