La CGPER, représentée par Jean-Yves Minatchy, également 2ème Vice-président de la Chambre d’agriculture, accompagnée de la FDSEA et du Député européen Younous Omarjee, entourés des planteurs, invitaient hier 17 mai 2013 à Saint-Pierre les journalistes et les planteurs à une réunion autour de la révision du Programme d’Option Spécifique à l’Eloignement et à l’Insularité (POSEI) en cours actuellement.
Ce point presse faisait le point sur plusieurs réunions de travail, suite à la rencontre qui a eu lieu en début de semaine à Bruxelles entre le Commissaire européen à l’Agriculture et au Développement rural, Dacian Ciolos, Younous Omarjee et Jean-Yves Minatchy et l’annonce de la décision du commissaire de lancer une nouvelle réforme du POSEI. Afin d’alerter le commissaire aux spécificités réunionnaises, une lettre lui a été envoyée (voir encadré) .
Les propositions issues de la réforme de ce programme, qui consistent à ne plus aider les filières traditionnelles au profit des autres filières de diversification, n’ont pas de sens à La Réunion. « Si, en effet, cette réforme est demandée et désirée par les Antilles qui ont du mal à passer le cap de la diversification, souligne Jean-Yves Minatchy, et pour lesquelles la culture traditionnelle de la banane occupe encore la majeure partie de la production agricole, ce n’est pas du tout le cas à La Réunion où le tournant vers une diversification des cultures s’est fait ». Aujourd’hui, la canne ne représente qu’un peu plus de 50% de la production agricole réunionnaise. D’ailleurs, souvent les petites exploitations fonctionnent en diversification avec une part dédiée à la canne, mais aussi de petits élevages ou plantations maraîchères sous serres. « Nous avons su construire des interprofessions fortes qui ont permis de développer ce secteur. La canne est le pilier de l’agriculture réunionnaise. Enlever les crédits alloués à la canne dans le POSEI, c’est porter un coup à l’ensemble de la filière agricole. Ce qui nuit à la fois au maraîchage, ce n’est pas la canne, mais les importations de pays dont les coûts sont bien inférieurs aux nôtres ».
Le Député européen Younous Omarjee a tenu à s’adresser aux planteurs. « C’est l’union qui fera notre force ainsi que les propositions que nous saurons faire afin de ne pas mettre un frein à l’évolution de la filière tout en protégeant ce que nous avons su construire. La filière agricole réunionnaise peut d’ailleurs être prise en modèle à la fois par les Outre-mer, mais aussi par les pays européens, car elle a su faire évoluer son agriculture en fonction des besoins ».
Une visite du Commissaire européen est prévue en juillet, bien que non encore confirmée officiellement. « Grâce aux bons contacts que j’entretiens avec lui, il est au courant des ces spécificités. A nous de les lui montrer lors de cette visite et de faire des propositions pour l’ensemble de la profession pour une évolution du POSEI à La Réunion qui nous soit adaptées, non identiques à celles des Antilles ».
Voici la lettre adressée à Dacian Ciolos, Commissaire européen à l’Agriculture et au Développement rural, par le Président du Comité Paritaire de la Canne et du Sucre et 2ème Vice-président de la Chambre d’agriculture chargé des Affaires agricoles, Jean-Yves Minatchy, à propos de la révision prochaine du POSEI. Les intertitres sont de “Témoignages”.
« La profession agricole réunionnaise est très inquiète sur l’avenir des filières agricoles locales et du développement de l’agriculture à cause de la révision en cours du POSEI.
Les propositions issues de la réforme de ce programme qui consistent à ne plus aider les filières traditionnelles au profit des autres filières de diversification nous surprennent parce qu’elles ne correspondent pas à nos orientations, ni à la volonté des acteurs des filières agricoles de l’île. Pour nous, la filière canne à sucre est la principale production de l’île. Il est donc normal et légitime qu’elle consomme plus de 5O% des aides du POSEI. Et l’Europe doit continuer à soutenir cette filière qui reste le pilier de l’agriculture réunionnaise et le pivot de la diversification végétale et animale. Ici, la filière canne génère 12.000 emplois. Elle représente 24.500 hectares de surfaces cultivées par 3.500 planteurs pour une production de 1 million 900.000 tonnes de cannes en moyenne. Nous sommes le premier producteur européen de sucre de canne avec 200.000 tonnes produites chaque année. A elle seule, la filière représente 85% des exportations de l’île en volume et participe au dynamisme économique local. Elle a une forte interactivité avec les autres filières. La canne est aussi le pilier du développement durable, car elle aide à lutter contre l’érosion et produit 1/10ème de l’électricité de l’île. En outre, elle est résolument tournée vers l’avenir grâce à ses nouvelles ressources (papiers, cartons, isolants thermiques…).
Aussi, nous prônons la consolidation de cette filière et son développement pour arriver à 30.000 hectares de surface et au seuil de 2 millions de tonnes de cannes. Il est inconcevable que les surfaces en cannes soient remplacées demain par des surfaces en fruits et légumes qui couvrent déjà 75% des besoins de La Réunion, ni par des surfaces en prairie. Nous rappelons que notre agriculture représente aujourd’hui 40% de la production agricole des Outre-mer et qu’elle est en nette progression contrairement à l’agriculture de l’hexagone et des autres DOM. Les besoins en surface ont été évalués à 20.000 hectares pour la diversification et 30.000 hectares pour la canne afin de répondre à leur croissance. Il ne faut pas que les aides POSEI que vous souhaitez réviser se fassent au détriment de nos orientations, favorisant uniquement la diversification contre la filière canne, sans tenir compte des réalités locales. Pour atteindre nos objectifs, nous œuvrons régulièrement avec les collectivités dans la reconquête des terres en friche évaluées à 6.000 hectares. Chez nous, le principal frein au développement des filières de diversification, c’est l’importation massive de produits défiant toute concurrence venant des pays ACP à cause des APE. En outre, dans l’océan Indien, Madagascar et Maurice, avec un SMIC de 25 à 80 euros mensuels, concurrencent déjà fortement nos filières de diversification.
Le contexte actuel nécessite de rassurer les acteurs agricoles sur la volonté de l’Europe de continuer à soutenir harmonieusement la filière canne à sucre et les autres filières végétales et animales afin de contribuer financièrement au développement agricole de l’île. Nous ne pouvons pas accepter une remise en cause unilatérale des dispositifs et modalités d’aides existantes, notamment du POSEI, qui risquent de nous affaiblir et de mettre en danger trente années de progrès agricole.
Nous restons à votre disposition pour une visite sur place de nos filières afin de vous rendre compte des réalités locales. (…) »