Et c’est pour convaincre les Mahorais eux-mêmes qu’ils sauront dépenser les fonds que le député européen Younous Omarjee arrive tout droit de Bruxelles avec son panache bleu étoilée. Il s’agit de fédérer pour récupérer des millions volés à Mayotte…
Younous Omarjee motive les parlementaires autour de l’accès de Mayotte comme région européenne
C’est le seul député français membre de la négociation sur les fonds de la cohésion. Donc précieux. Et si en tant que député du Groupe confédéral de la gauche unitaire européenne il a interpellé le député Ibrahim Aboubacar et le sénateur Thani Mohamed Soilihi, ce n’est pas pour parler politique, mais pour évoquer l’enveloppe européenne, «et à travers elle, l’adhésion des Mahorais aux valeurs du projet européen», ce qui implique de lancer pour Mayotte «des Etats généraux du développement pour dégager les axes stratégiques qu’élabore habituellement le Conseil régional». Car la consommation des fonds multipliés par 10 ou 20 appelle une vision globale du territoire pour éviter du saupoudrage en urgence sur les projets les plus aboutis, «mais pas nécessairement les plus indispensables». Le Schéma d’Aménagement régional (SAR) élaboré par le Conseil général devrait le permettre.
Mais de 475M€ annoncés dès la Rupéisation de Mayotte, le département ne devrait en voir que 200M€, dans un contexte de budget européen d’austérité, et bien que Younous Omarjee ait défendu le maintien des fonds structurels pour les régions de catégorie 1, «Mayotte étant la région la moins développée des régions les moins développées»… «C’est une discrimination! » s’indigne le député qui regrette que ce premier acte de la vie européenne de Mayotte commence par un échec. Car il ne s’agit plus d’enveloppe additionnelle aux 200 M€ : «les montants pour votre accès au POSEI (agricole) et à l’initiative pour l’emploi des jeunes n’ont pas été budgétisés!». L’annonce fait l’effet d’une tornade car ils paraissaient encore acquis pour Ibrahim Aboubacar.
Selon notre député socialiste il faut chercher les fautes tout d’abord du côté des données INSEE faussées: «avec 17% de chômage comptabilisé, mais 50% effectif, comment pouvons nous rivaliser avec les autres départements aux chiffres catastrophiques mais fiables»… Ce qui expliquerait l’inéligibilité aux programmes liés aux jeunes. Younous Omarjee incrimine de son côté le laxisme du gouvernement Fillon, la ministre de l’Outre-mer Marie-Luce Penchard en tête qui «par ses atermoiements a fait douter la Commission européenne de la volonté du gouvernement français d’octroyer à Mayotte le statut de RUP». «La situation du Conseil général a également été pénalisante» selon Ibrahim Aboubacar, car handicapant à terme le financement des projets.
Ibrahim Aboubacar invoque une Rupéisation trop tardive
«Une Rupéisation en catimini»
Si certains élus comme le président Daniel Zaïdani avaient semblé se contenter des 200M€ octroyés, c’est avant tout par préoccupation sur leur consommation effective. C’est du moins ce qu’il avait signalé en Séance plénière. «Arrêtez avec ce discours sur votre incapacité à consommer les fonds! C’est surtout qu’on vous construit des usines à gaz pour que cela ne fonctionne pas!» s’emporte le député européen en invoquant l’article 349 qui devrait octroyer des dérogations au territoire, dérogations sur des conditions qui ne conviennent pas du tout à Mayotte, et sur lesquelles s’est penché le député Serge Letchimy dont le rapport ne devrait pas tarder. «N’acceptez pas une Rupéisation en catimini, honteuse!».
Pour Thani Mohamed Soilihi, «la mobilisation est importante, et conditionnera un éventuel rattrapage lors du point d’étape de 2016». Ce cercle vicieux qui grève les finances des collectivités, il faut l’imputer selon lui à la décentralisation de 2004 qui n’a pas allouée les compensations dues. Il conclut en livrant un simple chiffre: «malgré la crise internationale, le budget européen s’est accru de 500M€… la part allouée à la Rupéisation de Mayotte !»…
Le refus du budget d’austérité européen par le Parlement est une chance: «il n’est pas trop tard pour demander de réévaluer à la hausse l’enveloppe mahoraise. Tout le monde doit s’y mettre». Une co-gouvernance Etat-Conseil général, annoncée depuis des mois, serait en cours d’élaboration selon Ibrahim Aboubacar qui se voit, comme Thani Mohamed Soilihi, médiateur de choc entre le président du Conseil général et les députés européens. Selon Younous Omarjee, le Conseil européen a outrepassé ses droits, notamment concernant Mayotte. Il a donc demandé au président du Parlement européen de déférer à la Cour de Justice.