Député européen basé à Bruxelles depuis janvier 2012, Younous Omarjee a rejoint le Conseil national de campagne du Front de gauche.
Bio Express
Younous Omarjee, 43 ans. Je suis né à Saint Denis, Ile de la Réunion en 1969. Je suis donc comme on dit un quadra, ce qui fait de moi un “jeune” à ce niveau de responsabilités, tant les mandats parlementaires sont en France bien conservés par les précédentes générations. Je suis aussi le premier Réunionnais de la diaspora à accéder à un mandat parlementaire, puisque j’ai pendant de longues années vécu à Paris et à Bruxelles.
Je sors des cadres habituels, et cela semble parfois déranger. Je ne dirais pas que je suis ostracisé, cela serait exagéré, mais à l’évidence il me faut participer au petit jeu politicien local pour être totalement reconnu. Je m’en amuse, même si cela peut compliquer parfois la tache.
Plus globalement, je me bats contre certains réflexes vis à vis des Réunionnaises et des Réunionnais de la diaspora, souvent délégitimés quand il s’agit de prendre position sur ce qui se passe à la Réunion. Combien de fois n’ai je pas entendu cet argument massue : “tu n ’es pas à la Réunion, tu ne peux pas comprendre” ? Je crois au contraire que les Réunionnais du monde sont dans un entre deux qui est une position particulièrement privilégiée pour appréhender nombre de phénomènes qui se passent chez nous. Cette position peut constituer à l’évidence un enrichissement aux multiples débats qui agitent la société réunionnaise. Car comme tout Réunionnais du monde, je vis à l’unisson de ce qui se passe à la Réunion tout en prenant bien soin de refuser toutes les formes de tropisme qui bien trop souvent déforment les analyses en conduisant à penser que nous sommes le centre du monde. Etre à l’écoute permanente de la société réunionnaise, mais toujours me replacer dans un cadre plus large est pour moi un impératif de tous les instants.
Mon engagement en politique
Je pourrais le faire remonter à ces premiers moments où se forge la conscience politique, c’est à dire les années lycées, l’adolescence qui bien souvent détermine tout le reste. En 1986, j’ai compté parmi les fondateurs du premier comité d’action lycéen de la Réunion où avec quelques camarades du lycée Leconte de Lisle, nous avons fondé un CAL pour mener la bataille localement contre la Loi Devaquet.
C’est à cet âge aussi qu’on découvre le monde des idées, la littérature, la philosophie dont j’étais féru, le cinéma, les magazines comme l’Autre Journal. J’ai beaucoup lu et se détachent pour moi les figures de Marx, Foucault, Jean Genet qui ont participé à la formation mon esprit.
En 1994, après avoir accompli mes études, j’ai donc tout naturellement accepté la proposition qui m’était faite d’occuper le poste de chargé de mission du groupe communiste au Conseil Général, alors présidé par Christophe Payet. Nous faisions avec les socialistes parti de la majorité. Pendant quatre ans, j ai travaillé sur tous les dossiers qui sont la compétence de cette institution.
Quatre ans plus tard, je devenais l’assistant parlementaire de Paul Vergès au Sénat, et ce jusqu’à 2004. Si je devais retenir une chose de ces années, c’est l’élaboration et le vote à l’unanimité a l’Assemblée et au Sénat de la loi Vergès sur le changement climatique et la création de l’Onerc. Un grand moment de fierté, et pour l’assistant que j’étais, le sentiment du travail bien fait.
En 2004, je l’ai suivi à Bruxelles après son élection comme Député européen. J’ai pris la direction de la campagne des Européennes et élaboré avec lui la liste de l’Alliance des Outre mers qui est sortie en tête du scrutin, devant les listes UMP et PS. Cette nouvelle page dans ma vie professionnelle m’a permis d’une part de constituer un réseau et des amitiés dans l’ensemble des outre mers, et d’autre part de me spécialiser sur les enjeux européens. C’est donc assez logiquement qu’Elie Hoarau, candidat en 2009 pour les Européennes, a fait appel à moi, d’une part pour être sur la liste en compagnie de Maya Césari, et d’autre part pour l’assister dans son mandat de Député européen.
Aujourd’hui, suite à la démission d’Elie Hoarau, je suis comme on dit « aux commandes ». J’ai la charge, avant tout, de défendre à Bruxelles les intérêts des Régions ultrapériphériques et des pays et territoires d’outre mer, si menacés par la crise et les orientations actuelles de la Commission européenne et du Conseil européen.
Mais je ne veux pas , sous prétexte que je suis issu des outre mers, me limiter à ce rôle. Et sans complexe, je me sens autorisé à intervenir et prendre des initiatives sur tous les sujets qui concernent l’Union européenne. Je refuse l’enfermement dans lequel certains cantonnent les élus ultra marins, quand ce n’est pas les ultra marins eux mêmes qui s’interdisent de nouveaux champs d’action. Cela est d’autant plus important que l’orientation générale de la politique de l’Union européenne a des conséquences directes sur nos îles. Tout nous concerne. Rien de ce qui se passe en Europe et ailleurs n’est sans impact sur nous.
Mes valeurs
J’appartiens au Parlement européen au groupe de la gauche unitaire européenne et verte nordique. Y siègent les Députés européens progressistes qui croient dans la possibilité d’une nouvelle Europe. Y siègent pour ce qui concerne la France, les élus du Front de Gauche, dont Jean Luc Mélenchon. Ce qui nous rassemble au sein de ce groupe, c’est la conviction que les politiques libérales actuellement mises en oeuvre, dévastatrices pour les peuples, ne correspondent pas à la fin de l’histoire. Que le progrès continue de se construire, que de nouvelles conquêtes sociales sont possibles pour l’émergence d’une nouvelle Europe, plus solidaire, porteuse de valeurs de progrès pour le monde entier.
Ce qui nous rassemble aussi entre Députés français, c’est le combat que nous avons mené et que nous poursuivons contre le Traité de Lisbonne et notre Non lors du référendum sur le Traité. Je rappelle que le PCR avait appelé à voter Non en 2005, quand les sociaux démocrates et le parti socialiste avaient appelé à voter oui.
Le programme du Front de gauche correspond aussi à mes orientations. Partager les richesses, abolir l’insécurité sociale et les privilèges, reprendre le pouvoir sur les banques et aux marchés financiers, la planification écologique, redonner vie aux valeurs de la République et faire émerger la sixième République… autant d’orientations auxquelles je souscris totalement.
Il y a surtout les orientations pour les outre mers auxquelles j’ai directement contribué. Jean Luc Mélenchon, parce qu’il pense le monde, parce qu’il pense la France dans le monde, a une ambition pour les outre mers. C’est je crois le seul candidat à avoir fait d’idées nées dans nos îles un axe majeur de son programme pour l’ensemble de la République. C’est la planification écologique avec l’objectif d’autonomie énergétique. C’est aussi une grande politique pour les mers et les océans, cette nouvelle frontière pour l’humanité qui place les outre mers au coeur d’une grande politique, au sens noble du terme. Il y a enfin le combat intransigeant que mène le Front de gauche contre le Front national…
Mon candidat
Lorsqu’il y a quelques jours à Marseille, Jean Luc Mélenchon, avec le lyrisme qu’on lui connaît, a exalté la France du métissage, je peux vous dire que j’étais particulièrement fier de participer à cette formidable campagne. C’est pourquoi, je n’ai pas longtemps hésité lorsqu’il m’a proposé, en tant que Député de l’Alliance des Outre mers, de rejoindre le Conseil national de campagne du Front de gauche présidé par Pierre Laurent.
Cela fait plusieurs années déjà que je cotoie Jean Luc Mélenchon. Au fil du temps et de nombreux échanges, il s’est forgé entre nous une relation de fraternité, d’estime et une réelle connivence. J’ai toujours été frappé par sa connaissance des enjeux qui concernent les outre mers et en particulier, son excellente maîtrise des dossiers réunionnais, jusque parfois dans le détail. Jamais au Parlement européen son soutien ne nous a fait défaut quand il s’agissait de défendre nos îles et toujours il se montre très à l’écoute des problèmes que je peux poser.
Alors vous me direz que le PCR a fait un choix autre. C’est naturellement un choix que je respecte, comme le PCR et les autres partis regroupés au sein de l’Alliance des Outre mers respectent le choix qui est le mien. Mais au final, nous nous retrouvons sur l’essentiel : faire avancer les orientations favorables pour la Réunion et surtout mettre un terme à ces cinq années Sarkozy qui ont tant abîmé la République et les Outre mers.
Ma campagne
Participer à une campagne présidentielle est tout à fait exaltant. Mon premier acte fut ma présence sur le plateau “Des paroles et des actes” derrière Jean Luc Mélenchon sur France 2. Je reste étonné de l’impact de ma présence sur ce plateau. J’ai aussi, avec le staff de Jean Luc Mélenchon et le parti de Gauche à la Réunion, été la cheville ouvrière de l’organisation de sa visite chez nous et de son meeting au Port. Avec peu de moyens, nous avons réuni 4 000 personnes et donné le signal de la mobilisation. Un élan est né à la Réunion, et il s’est amplifié au fil des jours grâce à l’action du Comité de soutien présidé par Ivan Hoareau, au représentant du Parti de gauche, Jean Hugues Savigny, à l’alliance des jeunes présidée par Gilles Leperlier, à Béatrice Leperlier, à Jean Hugues Ratenon pour ne citer que ceux là. Grâce surtout à toutes celles et tous ceux qui nous rejoignent jour après jour, qui souvent font de la politique pour la première fois et qui veulent participer à la dynamique de la campagne du Front de gauche.
Notre force n’est pas dans les partis. Nous n’avons pas les soutiens des maires. Et pour tout dire, notre consigne c’est précisément de ne pas écouter les consignes. Notre force, c’est le peuple et l’action déterminée de camarades qui, programme en main, vont dans les marchés, organisent des réunions et emportent l’adhésion en expliquant le programme “L’humain d’abord” et la révolution citoyenne qui à la Réunion peut être plus qu’ailleurs s’impose. Pour ce qui me concerne, je porte la parole dans l’ensemble des outre mers en répondant à de nombreuses interviews. J’alimente le candidat en notes diverses sur les sujets qui me parlent et j’essaye d’être présent, quand je le peux, aux meetings nationaux
Mes raisons de croire en la politique
Si je ne pensais pas au plus profond de moi que la politique peut changer les choses, je me démettrais immédiatement de mon mandat. Bien sur qu’elle change les choses ! Les années Sarkozy en sont la triste illustration, par la dégradation de la situation à la Réunion et dans les outre mers. Par des conditions de vie devenues plus difficiles. Par les valeurs de la République en perte de vitesse et profondément abîmées. Par le diktat d’intérêts puissants et étrangers au bonheur commun sur nos vies… C’est bien des choix politiques qui sont à la base de ces reculs.
Inversement, quand il y a une volonté politique forte, il y a toujours un chemin. Mais c’est vrai qu’il faut s’en donner les moyens, par la lutte et l’inscription d’un rapport de forces. C’est en quoi d’ailleurs le vote en faveur du Front de gauche est un vote qui a une portée historique, pas seulement pour la France. C’est le score que fera le Front de gauche qui dictera l’obligation de changer véritablement les choses en profondeur.
On peut craindre que peu de choses au fond changeront. Mais il faut se souvenir quand même que c’est par la politique, par notre action localement conjuguée à l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 et son maintien en 1988, que furent obtenus l’égalité sociale, la liberté des ondes, la dépénalisation de l’homosexualité, l’abolition de la peine de mort… En 2012, le Smic porté à 1700 euros, l’assemblée constituante de la 6eme République, la révolution citoyenne, une autre Europe libérée du diktat de la finance sont de ces avancées possibles.
Les mesures de Jean Luc Mélenchon pour la Réunion
J’invite les lecteurs à visionner sur le net le discours de Jean Luc Mélenchon lors de son meeting à la Réunion. Il y a un fil conducteur, c’est le refus des solutions misérabilistes, telles que les emplois précaires ou les bons de toute nature qui ne règlent rien dans la durée.
Jean Luc Mélenchon a pris l’engagement de s’attaquer radicalement à l’économie de comptoir qui caractérise les structures économiques de notre île. Cela veut dire lutter contre les monopoles et ceux qui se gavent sur le dos des plus pauvres, ceux qui profitent de cette économie de la rente et concourent à l’aggravation de la vie chère.
Il n’y a pas d’autre solutions pour faire face à ce fleau de la vie chère que de bloquer les prix, notamment des carburants et des produits de première nécessité. Mais plus profondement, il convient de libérer la Réunion de ses multiples dépendances. Et avec une volonté politique forte avancer vers l’autonomie énergétique et l’autonomie alimentaire. En un mot vers un développement propre ou organique.
Il convient aussi de proposer à la jeunesse réunionnaise, formée et diplomée, une sortie par le haut. La planification écologique est porteuse de milliers d’emplois dans des secteurs de très haute valeur ajouté. De même les jeunes Réunionnais ont un rôle formidable à jouer dans toute la zone océan indien. Encore faut il faire de la francophonie une priorité nationale, ce qui sera le cas avec Jean Luc Mélenchon. Et je veux insister aussi sur le fait que l’ensemble des mesures du programme du Front de gauche en matière de logement, de salaire, pour un meilleur partage des richesses, ont vocation à s’appliquer dans notre île.