Le rapport du député socialiste et président de la région Martinique, Serge Letchimy appelle à réaffirmer les liens entre Bruxelles, l’Europe et les régions ultrapériphériques.
Les Antilles françaises, la Réunion, Mayotte ou les Acores partagent le point commun d’être des « régions ultrapériphériques » (RUP) de l’Union européenne.
Ces territoires insulaires ont beau être associés à des paysages souvent idylliques, ils ont des résultats inférieurs aux moyennes métropolitaines en termes d’emploi ou de développement économique.
Ces régions souffrent d’un « désavantage concurrentiel » vis-à-vis de leurs proches voisins, qui sont souvent des pays en développement, observe le rapport du député et président de la région Martinique Serge Letchimy, rendu au Premier ministre vendredi 24 mai.
Le texte offre plusieurs solutions pour une meilleure articulation entre les instruments juridiques et les programmes européens existants et une nouvelle approche des RUP, plus proactive. La stratégie doit être centrée sur le partenariat et non pas seulement sur le rattrapage des indicateurs socioéconomiques aux moyennes européennes, indique le document.
Innovation et compétitivité
Le traité de Lisbonne (article 349 du TFUE) reconnaît la spécificité des RUP dans l’Union européenne et justifie des mesures dérogatoires au marché unique.
Concrètement, de 2007 à 2013, Bruxelles a octroyé à ces territoires une enveloppe de 3,179 milliards d’euros via le Fonds européen de développement régional et le Fonds social européen. Ces fonds structurels s’ajoutent aux budgets spécifiques liés à l’éloignement et à l’insularité (Posei). Mayotte a même bénéficié du fonds européen de développement.
En parallèle, depuis 2008, la Commission européenne a entamé un changement de stratégie avec les RUP. Au lieu de panser les plaies par des subventions publiques, elle a tenté d’orienter les fonds européens vers l’innovation et la compétitivité de ces territoires.
Mais, selon les députés européens Patrice Tirolien (S&D/PS) et Younous Omarjee (GUE/Front de Gauche), des progrès doivent encore être accomplis dans le fléchage des fonds.
Approche plus transversale
Le dialogue avec ces territoires existe en métropole ou à Bruxelles, mais il n’a pas conduit « à des solutions suffisamment stables, lisibles et adaptées à ces régions, entretenant ainsi un climat d’incertitude, d’insécurité, voire de suspicions sur les revendications des RUP », observe quant à lui M. Letchimy.
Selon lui, la Commission doit mettre en valeur les économies locales fondées sur la pêche, l’agriculture, et le tourisme en ayant recours à l’argent des Posei, et débloquer de nouveaux fonds pour valoriser les spécificités des territoires comme l’énergie ou le bois.
En clair, l’approche européenne vis-à-vis de ces territoires doit être beaucoup plus transversale que sectorielle. L’accord sur la réforme de la pêche et la stratégie de 2012 sur « l’ultra-périphérie » sont, d’ores et déjà, considérés comme des victoires.
Mais un « groupe interservices » doit être mis en place au sein de la Commission européenne, explique M. Letchimy. Selon lui, ce dialogue interne à l’institution est encore insuffisant. Le président de la Commission doit piloter ce travail et non les services de la DG Regio, afin d’assurer une coordination optimale des politiques européennes, estime-t-il.
Les RUP doivent porter des projets
Amorcé en 2008 et confirmé en 2012, « le changement de paradigme » de la Commission européenne cherche avant tout à renforcer la présence des RUP dans les décisions d’investissements. Mais les régions ultrapériphériques doivent elles aussi proposer des idées et se battre pour leurs projets, note le M. Letchimy.
Auditionné par M. Letchimy, le député Younous Omarjee salue les conclusions du rapport. « L’article 349 doit être un bouclier et un fer de lance de notre stratégie européenne pour les RUP », explique-t-il tout en insistant sur la nécessité d’aller plus loin, notamment en développant des programmes de recherche dans ces territoires.
« Certaines propositions du rapport sont déjà en cours de négociations au Parlement ou en trilogues », observe pour sa part Patrice Tirolien. Il reconnaît que le rapport apportera sans doute une arme supplémentaire pour augmenter l’enveloppe des RUP françaises de 500 millions d’euros dans le cadre des négociations du budget pour 2014-2020.