Exposé des motifs du rapport de Younous Omarjee sur le Fonds Européen d’Aide aux plus Démunis
“Votre rapporteur prend acte de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 13 avril 2011 qui a mis fin au Programme Européen d’Aide au plus Démunis (PEAD), créé en 1986, et qui existait depuis 25 ans.
Le PEAD était fondé sur la Politique Agricole Commune de l’Union européenne et fonctionnait sur une logique de redistribution des surplus agricoles aux plus démunis. Votre rapporteur rejette l’accord du Conseil européen sur le Cadre Financier Pluriannuel du 8 février 2013 qui a réduit ce fonds de 3,5 à 2,5 milliards d’euros. Votre rapporteur estime que le maintien du montant de la période actuelle (2007-2013), de 3,5 milliards d’euros, constitue un strict minimum, et que ce Fonds aurait dû être porté à plus de 4,5 milliards d’euros étant donné que le champ d’action de ce programme est étendu en même temps à la distribution de biens matériels et à 7 nouveaux Etats Membres. Votre rapporteur se félicite cependant de la proposition de la Commission européenne portant création d’un nouveau Fonds qui viendra remplacer le PEAD et qui est dénommé Fonds Européen d’Aide aux plus Démunis (FEAD). Tirant les conséquences de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne, le nouveau fonds proposé par la Commission est aujourd’hui intégré dans le périmètre de la politique de cohésion (article 174 TFUE)
La lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale fait partie des objectifs transversaux et fondateurs de l’Union européenne (Article 9 TFUE et Article 3 TUE). L’Union européenne s’est par ailleurs fixé l’objectif de réduire d’au moins 20 millions le nombre de personnes menacées de pauvreté et d’exclusion sociale d’ici 2020 dans les Etats membres.
La situation actuelle en est pourtant très loin. En 2010, près d’un quart des européens (119,6 millions) était menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale, et parmi eux, plus de 18 millions d’européens dépendraient quasi quotidiennement des colis alimentaires ou des repas distribués par les associations de bénévoles. Le nombre de personnes souffrant de privation alimentaire et matérielle est par ailleurs en progression constante et alarmante ces dernières années. Les citoyens européens ayant recours à l’aide alimentaire sont de plus en plus nombreux. La crise financière, économique et sociale qui frappe l’ensemble des Etats membres met l’Union européenne en situation de responsabilité face, notamment, à l’accroissement des inégalités entre riches et pauvres au sein de l’Union européenne mais aussi au sein de ses Etats membres.
Basé sur l’article 174 du TFUE, le FEAD vise donc justement à renforcer la cohésion sociale et à lutter par là contre la pauvreté au sein de l’Union européenne. L’Union doit donc par ce nouveau Fonds contribuer à une meilleure cohésion sociale au sein de l’Union européenne en apportant son soutien aux dispositifs nationaux destinés à fournir une assistance non financière aux personnes les plus démunies, cela en contribuant à atténuer les niveaux de plus en plus alarmant de privation alimentaire et matérielle au sein de l’Union européenne.
Votre rapporteur émet à ce titre de nombreuses réserves à l’égard de la proposition initiale de la Commission européenne.
Cofinancement
Il est prévu, dans la proposition de la Commission, que les Etats ou les collectivités locales complètent le financement du FEAD à hauteur de 15%. Or, comme le souligne aussi le Comité des Régions, dans la période actuelle de réduction des dépenses publiques, il est probable que les Etats et collectivités locales les plus en difficultés ne puissent être en mesure de cofinancer les programme du FEAD.
Lourdeur administrative du Fonds
En outre, le dispositif de cofinancement, ainsi que le dispositif global de redistribution de denrées alimentaires et de biens matériels de base doit rester simple et clair. Il doit en priorité permettre aux associations caritatives de poursuivre leur travail, en prenant en compte leur caractère très souvent bénévole. Le règlement doit garder une continuité avec le règlement du PEAD en vigueur pour les années 2012 et 2013. C’est dans cette optique que votre rapporteur propose une simplification du Fonds, et notamment la suppression des agences de certification, de gestion et d’audit. Votre rapporteur propose aussi la suppression des critères devant être fixés par chaque Etat membre pour déterminer à qui peut bénéficier le Fonds. La Commission européenne doit faire confiance aux Etats membres et aux associations de bénévoles, qui dans leurs activités de distribution alimentaire et de biens matériels font preuve d’un travail remarquable et exemplaire.
Objectifs du FEAD
L’extension à l’aide matérielle est justifiée par le fait que les personnes les plus démunies en Europe ne manquent pas uniquement de nourriture mais souffrent aussi de privation matérielle. Si le budget accordé par les Chefs d’Etats au FEAD ne permet pas ce doublement, L’aide alimentaire doit rester autant que possible la priorité du dispositif, ce notamment afin d’éviter une dispersion qui nuirait à l’efficacité du Fonds et à ses objectifs. En effet, c’est parce que se nourrir est un moyen d’intégration sociale élémentaire que l’aide alimentaire est une condition préalable essentielle à toutes les politiques de lutte contre l’exclusion. Votre rapporteur défend donc l’idée que le FEAD soit prioritairement axé sur la distribution alimentaire.
La solidarité étant une valeur fondatrice de l’Union européenne, ce fonds a valeur de symbole sur le sens que donnent les citoyens européen à la construction européenne. Il ne serait pas compris que l’Union européenne tourne le dos aux plus fragiles, et vide de substance cette aide aux plus démunis mènerait à nourrir le désamour grandissant entre les peuples et les institutions européennes.
Votre rapporteur est convaincu que le parlement européen doit agir avec les associations pour que ce Fonds puisse être efficient et avant tout au service des personnes les plus démunis et des associations caritatives qui chaque jour œuvrent à leur côtés”.