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Troisième sur la liste l’Alliance des Outre-mers conduite par Élie Hoarau pour les élections européennes de 2009, Younous Omarjee a accédé aux fonctions de député européen ce mercredi 18 janvier. Il remplace à ce poste Élie Hoarau qui a démissionné pour « mieux se consacrer aux problématiques de La Réunion ». Longtemps attaché parlementaire, de Paul Vergès, notamment, Younous Omarjee est passé des coulisses à l’hémicycle en voulant « assurer la continuité de l’action » de ses prédécesseurs. Le plus jeune député qu’ait connu La Réunion, il a 43 ans, parle de ses préoccupations, des dossiers qui lui tiennent à coeur et du montant de ses indemnités. Entretien
Younous Omarjee, vous avez pris officiellement vos fonctions en tant que député européen le 4 janvier et vous avez assisté à votre première assemblée plénière, ce mercredi 18 janvier. Quels sont les premiers dossiers que vous avez eu à examiner
L’annonce de ma désignation a été faite en assemblée plénière, par le nouveau Président du Parlement européen Martin Schulz. Je n’ai pas attendu pour entrer dans l’action. L’actualité européenne est des plus bouillantes en ce début d’année. Nous nous sommes positionnées sur le Traité international que proposent Angela Merkel et Nicolas Sarkozy et qui veut imposer la rigueur et l’austérité. Avec mes collègues de la gauche unitaire européenne, nous nous y sommes clairement opposés, tant sur le fond que sur la procédure. Cette session plénière a été aussi dominée par l’élection du Président du parlement européen, Martin Schulz. Un président, socialiste, ancien président du groupe socialiste, élu par la droite c’est une spécificité du parlement européen ! Ici, c’est le compromis permanent entre les socialistes et la droite.
Quels sont les premiers dossiers que vous avez traités ?
Comme je le disais, je n’ai pas attendu pour entrer dans l’action. Dès la semaine dernière j’ai eu des réunions concernant le nouveau règlement sur les fonds structurels et le maintien des crédits alloués à La Réunion pour la période 2014-2020. J’ai également eu un entretien, à ma demande, avec le directeur des politiques environnementales au sein de la commission européenne pour discuter, entre autres, des conséquences des incendies dans le massif du Maïdo des moyens pour régénérer la forêt primaire.
Quel dossier va vous tenir le plus particulièrement à coeur ?
Tout ce qui concerne les outre-mers est à mes yeux prioritaire. Mais si la Réunion et les outre-mers sont au coeur de mes préoccupations, nous devons aussi considérer que nous ne sommes pas le centre du monde. J’ai toujours été allergique à toute forme de tropisme. Il est important de ne pas se replier uniquement sur les dossiers ultramarins. Nous avons une parole réunionnaise, ultramarine, à faire entendre sur tous les grands problèmes, tous les grands projets. Il faut refuser l’enfermement, n’avoir aucun complexe pour dire ce que nous avons à dire, faire ce que nous avons à faire, sur toutes les questions. Cela s’impose d’autant plus que tout ce qui se joue actuellement dans l’Europe en crise, et dans le monde a des conséquences sur nos pays. Se désintéresser de ces questions globales serait une erreur.
Certes, mais vous n’avez pas de sujets auxquels vous êtes plus particulièrement sensibles ?
Je travaille à une initiative sur la question de la sauvegarde de la biodiversité. Nous assistons à la sixième vague d’extinction des espèces. De loin la plus grave de toute l’histoire dans sa rapidité et son ampleur. Bientôt certaines espèces animales comme les grands singes ne seront visibles que dans des zoos. C’est tout notre rapport au monde du vivant qui doit être repensé. À mes yeux cette question est aussi importante que celle du changement climatique, un sujet sur lequel je suis très engagé depuis de nombreuses années.
Vous êtes aussi engagé dans la lutte contre les discriminations
Oui, je souhaite faire progresser le débat sur les droits des gays, des lesbiens et des transsexuels aussi bien en Europe que dans les sociétés ultramarines. Ce sont des questions qui font débat dans nos pays et qui pourtant sont peu portées chez nous politiquement. Or, dans les outre-mers l’homophobie est encore plus marquée. La lutte contre les discriminations ne peut souffrir d’aucune exception. Les droits des femmes, la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, le droit des personnes souffrant de handicaps ou de maladies graves font partie de ce même combat. Il s’agit de faire respecter la charte européenne des droits de l’homme
Vous avez oeuvré dans l’ombre pendant plusieurs années, en tant qu’attaché parlementaire des députés européens Paul Vergès, Madeleine de Grandmaison et Élie Hoarau. En quoi pensez-vous être plus efficace que vos prédécesseurs ?
Il ne s’agit pas d’être plus efficace mais de prolonger l’action et d’obtenir des résultats concrets.
C’est votre premier mandat électif. Sous quel signe allez-vous le placer ?
J’ai fait, avec Maya Césari, la campagne des européennes en 2009 sur la liste alliance des outre-mers conduite par Elie Hoarau. Au cours de cette campagne je n’ai cessé de dire que la question européenne ne pouvait souffrir d’aucune sorte de démagogie. Qu’elle appelle au contraire un effort de pédagogie. Car ce sont des questions qui, bien que complexes, doivent pouvoir être comprises par tous. Je vais aussi m’efforcer de faire comprendre que nous devons nous opposer de toutes nos forces à l’Europe des puissances financières, des forces agissantes des marchés, de l’OMC (organisation mondiale du commerce – ndlr), des agences de notation, d’Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy qui imposent des politiques austères contre les peuples et fragilisent toujours un peu plus les acquis sociaux. Nous voulons d’une Europe solidaire, à l’avant garde de nouveaux progrès. Pas d’une Europe devenue le cheval de Troie de ces intérêts là.
C’est la première fois que La Réunion est représentée par un député aussi jeune que vous
C’est vrai. Je crois que mon accession peut être un signal positif dans la capacité d’une nouvelle génération de jeunes responsables réunionnais à assumer des responsabilités importantes pour leur pays. Il y a à la Réunion, et dans la diaspora réunionnaise, des jeunes qui ont envie de s’investir, de s’engager, d’assumer des responsabilités politiques. Et qui peuvent sur certaines questions renouveler l’approche des problèmes. Trop souvent l’impression a été donnée que tout était bloqué. Cela doit changer. La mise en oeuvre concrète du slogan “un homme, un mandat, une indemnité” peut aider à cela. C’est mon seul et unique mandat et je ne suis tourné que vers la réussite de ce mandat.
À propos d’indemnités, quels est le montant de votre rémunération en tant que député européen ?
Je perçois une indemnité mensuelle de 5 900 euros net environ. Sur cette somme j’ai pris l’engagement de reverser 1 200 euros, chaque mois au PCR, soit environ 20%. Ce qui fait un salaire de 4700 euros.
C’est un salaire important
Mais il reste largement inférieur à la moyenne des salaires des fonctionnaires des communautés européennes, qui se situe autour de 10 000 euros net par mois.
C’est votre seul revenu ?
En fait, chaque député européen dispose d’une enveloppe de 4 000 euros environ destinés à couvrir ses frais comme la location d’un bureau, l’achat de matériels, les factures de téléphone, les frais d’hôtels durant les déplacements professionnels dans les Etats membres de l’Union etc. Cette somme doit être exclusivement utilisée pour cela. Son utilisation fait l’objet d’un contrôle exercé par la Cour des comptes européenne. C’est une bonne chose. Je crois qu’il est aujourd’hui devenu indispensable pour tout élu d’être très clair envers les citoyens sur ces questions, car l’exaspération vis-à-vis des privilèges est à son comble.