Younous Omarjee était ce mercredi 22 octobre l’invité de l’émission Europe Hebdo des chaînes Public Sénat/La Chaîne Parlementaire afin de présenter son point de vue sur la vente du patrimoine culturel en Europe.
Lien vers l’émission de La Chaîne Parlementaire: http://replay.publicsenat.fr/vod/europe-hebdo/edouard-martin,younous-omarjee,nora-hamadi/161039
Voici la retranscription de l’interview:
Valoriser son patrimoine culturel, quitte à le vendre pour développer un tourisme de luxe, voilà le pari de l’Italie. Une façon de remplir les caisses de l’État, parfois taxé de grande braderie par ses détracteurs.
-Pour évoquer cette question, je reçois Younous Omarjee.
-Bonjour.
-Député européen, vice-président de la Commission du développement régional. On a vu la manière dont on privatise le patrimoine italien. Est-ce que c’est une braderie, ou c’est juste un moyen de remplir les caisses et de rationaliser le patrimoine de l’Etat ?
-C’est surtout consternant. Et ça va bien au-delà. S’agissant de cette commune, qui est une petite commune rurale, elle avait énormément de difficultés à restaurer son patrimoine, et en particulier le centre urbain. Et le maire a eu cette idée un peu curieuse de vendre pour un euro les maisons du centre.
-Contre réhabilitation et rénovation.
-Pourquoi ? Tout simplement parce que les communes des collectivités territoriales, les régions européennes souvent, sont dans une situation financière catastrophique. Mais les communes en particulier sont exsangues et n’ont plus les moyens de faire face à ces nécessités. Et elles font appel, évidemment, soit au privé, soit à ces appels de fonds, pour pouvoir assumer …
-Beaucoup d’étrangers viennent investir.
-Votre reportage l’a bien montré. Ça pose une série de problèmes sur l’évasion, d’une certaine manière. On parle de l’évasion fiscale, mais là, on est confrontés à une évasion de notre patrimoine culturel…
-Ça vous choque ?
– …et historique.
-Si on n’est pas en capacité de le prendre en charge…
-C’est choquant, parce qu’il y a des biens, qu’ils soient culturels, ou même des paysages… Vous savez qu’en Autriche, par exemple, on a été jusqu’à vendre une montagne. Jusqu’où s’arrêtera-t-on ? Eh bien, ce sont des biens qui font partie, de mon point de vue, du patrimoine commun, et qu’il faut laisser à l’abri.
-Il faudrait que ce soit incessible ?
-Pour un certain nombre de biens, oui. On parle de l’Italie. Les trésors de la Renaissance seront-ils demain vendus ?
-Vous parlez du Colisée, par exemple ?
-Je pense au Colisée, j’ai une passion pour Florence, je pense à ce trésor qui est à Florence. Est-ce qu’on franchira le pas jusqu’à vendre demain les œuvres de Michel-Ange ?
-A partir du moment où on n’a plus les moyens de notre patrimoine, est-ce qu’il y a vraiment un problème à aller chercher l’argent là où il est, chez les étrangers, comme les Singapouriens qu’on a vus dans ce reportage ?
-Oui, et cela conforte l’idée, évidemment, que les étrangers s’accaparent du patrimoine national.
-C’est une forme de protectionnisme que vous évoquez ?
-En France, par exemple, de très beaux hôtels, sont rachetés par des Qataris, etc., ou alors par des Chinois pour d’autres biens, et dans la population, on dit que notre patrimoine, aujourd’hui, appartient aux étrangers, et ça pose d’autres problèmes. Mais il y a d’autres solutions, qui sont beaucoup plus douces. Ces grands groupes privés qui font des milliards de bénéfices, ils peuvent participer à ces missions par le mécénat. Dans les cahiers des charges que les collectivités ou les États passent avec un certain nombre d’entreprises, on peut mettre des obligations sur ce plan. Mais le choix, manifestement, a été fait de tout marchandiser, et de faire tomber, aujourd’hui, dans l’escarcelle du privé ce qui appartient à tous.