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Joyeux anniversaire à la Région Réunion !

Younous Omarjee s'est exprimé au Conseil Régional de l'île de La Réunion, qui célèbre cette année ses 40 ans. Le Président de la Commission du Développement Régional a rappelé que l'Union europoéenne a été, et reste, un partenaire important dans le développement du territoire. Retrouvez ci-dessous l'intégralité de son discours.

Madame la Présidente Bello, 

Permettez-moi de vous remercier et de vous dire l’honneur qui est le mien d’être à cette tribune. Et en tant que Réunionnais, l’émotion qui est la mienne de participer à ce 40è anniversaire de la région Réunion.

En venant ici, je pensais à tout ce qui s’est passé au cours de ces 40 dernières années. Mais je me suis posé une question. Pouvons-nous prédire les événements qui vont intervenir jusqu’en 2063 ? En réalité, les seules certitudes que nous avons c’est l’incertitude devant l’imprévisibilité des événements, les bifurcations inattendues de l’histoire, les ruptures nées des découvertes que nous ignorons encore, des sauts technologiques dont nous n’avons pas idée, des guerres et des tragédies aussi, parfois, qui à la faveur de faits aléatoires ne s’annoncent pas toujours. 

En 1983, il n’y a pas si longtemps en réalité, c’était déjà pour nous un autre monde.

Qui d’entre nous aurait pu prédire que le 9 novembre 1989, il y a un peu moins de 40 ans, que le mur de Berlin tomberait et que s’en suivrait la dislocation de l’Union soviétique, la réunification de l’Allemagne  et l’élargissement de l’Union européenne ? 

En 1983, il n’y a pas si longtemps en réalité, c’était déjà pour nous un autre monde. C’étaient les débuts d’une révolution technologique qui allait tout changer. Nous sommes passés en moins de 40 ans du Minitel à internet puis aux applications pour entrer dans une société et une économie hyper connectée, ultra digitalisée, dominée par la vitesse et I’abolition des distances.

Notre île n’est pas restée à l’écart de ces profondes mutations mises avant tout au bénéfice du marché globalisé. Au fur et a mesure, on a oublié le citoyen pour préférer le client. Cela pose des menaces et de nombreuses inquiétudes pour la sauvegarde de nos identités et de notre identité réunionnaise. 

Je pense que pour notre identité réunionnaise, de notre identité créole, rien n’est acquis. Nous sommes aujourd’hui mis à l’épreuve du rouleau compresseur de l’uniformisation des modes de vie et de l’uniformisation de l’idée du bonheur. 

En 1983, nous cultivions encore une forme de confiance illusoire dans une la modernité dont la marque, que nous savons tragique aujourd’hui, était de retrancher l’homme de la Nature du reste du monde du vivant. Entre temps est passée par là la conférence de Rio en 1992 et nous savons qu’il y a une intersolidarité entre les espèces et que la lutte pour le changement climatique et la préservation de la planète conditionne la survie de la planète elle-même. Nous ne le savons que trop, nous autres insulaires puisque nous avons des fragilités fortes devant les impacts du changement climatique.

Les crises ne préviennent pas toujours mais toujours elles viennent bousculer le réel. Personne parmi nous aurait pu imaginer au début de nos mandats respectifs que nous serions en un temps très court rattrapé par deux évènements historiques majeurs : la pandémie du COVID-19 et la guerre en Ukraine aujourd’hui. Et je veux vous dire madame la Commissaire Elisa Ferreira, vous m’avez déjà entendu dire cela dans d’autres enceintes, combien je suis satisfait de la co-construction qui a été la notre pour atténuer les impacts de la pandémie dans l’ensemble des régions d’Europe et tout particulièrement dans les régions ultrapériphériques.

Nous avions au tout début de la crise, convenu ensemble qu’il n’était pas possible de rester l’arme au pied et de ne rien faire quand dans les régions d’europe, il manquait des masques, des respirateurs artificiels, quand les Etats se faisaient concurrence. 

Nous avons mis sur la table des moyens évidemment qui ont aidé les régions d’Europe à faire face à cette situation, tout comme nous avons aussi mis sur la table règlement REACT-EU qui été très utile dans les régions françaises et à l’ile de la Réunion. 

J’ai eu l’honneur de présider à la négociation de REACT-EU, et la commissaire Ferreira a été pleinement engagée avec moi pour que dans le règlement nous introduisions des dispositions spécifiques pour les régions ultrapériphériques. Je veux dire à la Présidente Delga combien je suis satisfait de l’utilisation de la pleine et bonne utilisation par les régions françaises des règlements REACT-EU. 

La solidarité européenne en faveur des RUP a joué. Elle joue pleinement et peut-être n’a-t-on pas toujours conscience dans l’ensemble des négociations sur l’ensemble des fonds de la cohésion, en particulier sur le FEDER, nous avons introduit plus de dérogations dans les règlements fondés sur l’article 349 qu’il n’en a jamais eu dans toute l’histoire de l’Union européenne. Ces dérogations positives pour les RUP disent la solidarité de toute l’Union européenne, pourtant en crise, avec nos régions ultrapériphériques.

Je n ai pas besoin ici, Madame la Présidente, de refaire l’histoire complète de l’émergence du concept de l’ultrapériphéricité et de la consolidation des politiques européennes en faveur de nos régions des Outremers. Je veux saluer le rôle joué par tous les Présidents de région qui se sont succédés depuis la création de la Région. Le rôle des députés ultramarins au Parlement européen également, de Paul Vergès qui a siégé dans le Premier Parlement européen en 1979 à Margie Sudre, et le très regretté Jean Claude Fruteau et bien sûr Elie Hoarau que je salue.

Aujourd’hui en ma qualité de Président de la Commission du Développement Régional, avec mon collègue Stephane Bijoux, membre de ma Commission, nous portons cette lourde responsabilité de prolonger le chemin ouvert par les anciens pour conquérir de nouvelles avancées en faveur de nos territoires.

Plus I’Europe est forte dans ses valeurs fondamentales, et plus nous pouvons être confiant dans le soutien de l’Union à nos territoires éloignés.

Croyez bien que dans une Europe a 27, avec une nouvelle géopolitique qui nait sous nos yeux avec les conséquences de la guerre en Ukraine sous nos yeux , et un déplacement des intérêts européens vers les pays de l’Est, les pays baltes, les régions. septentrionales de l’Union, que cette tache de maintenir l’intérêt pour les pays du Sud comme pour les régions ultrapériphériques n’est pas toujours aisée. Pourtant nous y parvenons encore, car nous savons, Stéphane Bijoux, moi-même, exprimer notre solidarité vis à vis  de ceux qui en Europe ne manquent jamais à la solidarité vis à vis des régions ultrapériphériques. Au Conseil européen, la solidarité pour les RUP est présente comme elle est présente au sein du Conseil européen.   

Nous ne devons jamais oublier aussi que le tout détermine le particulier. Et pour résumer en une phrase : plus I’Europe est forte dans ses valeurs fondamentales, et plus nous pouvons être confiant dans le soutien de l’Union à nos territoires éloignés. Inversement, plus elle sera contestée, bousculée, repliée sur elle même, traversée par des nationalismes, des percées xénophobes et plus aussi grandiront les menaces pour le maintien des politiques de solidarité a l’échelle de l’Union européenne.  

L’histoire de la région Réunion va de paire avec celle de la politique régionale de l’Union Européenne. Le FEDER a été créé en 1975 pour redistribuer une partie du budget européen aux régions les moins riches qui avaient durement accusé du premier choc pétrolier. Une analyse des PIB régionaux démarre alors. Cette décision contribuera aussi à la création des entités régionales dans toute l’Europe et en France et à l’analyse des disparités des richesses.

L’Europe dès le départ, dans sa construction même sui generis a voulu s’appuyer sur les Régions pour porter un objectif très vertueux, un objectif d’Egalité des conditions de vie dans toute l’Europe au moyen de la solidarité. C’est le sens de la politique régionale de cohésion.

Pour 2021-2027, la Réunion bénéficiera de 1,4 milliards d’euros pour des fonds ESI (FEDER, FSE, FTJ).

On ne s’en rend peut etre pas toujours compte, mais il faut se figurer que la redistribution des richesses de la politique de cohésion est conséquente.

Pour 2021-2027, la Réunion bénéficiera de 1,4 milliards d’euros pour des fonds ESI (FEDER, FSE, FTJ). Pour la même période 2021-2027, pour l’ensemble du Danemark c’est trois fois moins , 438 Millions d’euros. 3 fois moins aussi pour Malte avec 470 millions, 918 millions pour Chypre, 988 millions pour toute l’Irlande, et 1 milliard pour l’Autriche…. La Réunion avec 1,4 milliards a une enveloppe équivalente aux Pays Bas. Bien sûr, nous sommes les régions les moins développées d’Europe donc la justification tient au fait que nous sommes des territoires en retard de développement, comme ils disent, mais tout de même je pense qu’il est utile de rappeler ceci. Je veux également souligner que la création de la politique régionale européenne a aussi contribué avant même l’émergence du concept d’ultrapériphericité à la création du programme agricole POSEI. On n’a pas attendu l’inscription dans les traités de la notion d’ultrapériphéricité pour la prise en compte des particularités des outremers.   

Le chemin était ouvert pour la prise en compte des demandes politiques du Parlement européen, je pense au Rapport Ligios inspiré par les travaux de Paul Vergès, qui a permis de prendre en compte les particularités rencontrés par les Outremers français, portugais, et espagnols.

Et in fine permettre l’inscription dans l’annexe au Traité de Masstricht en 1992, puis l’inscription des RUP à l’article 299-2 du Traité d’Amsterdam devenu l article 349 du TFUE.

La reconnaissance de l’ultrapériphérie au plus haut niveau de la hiérarchie des normes a été décisive pour nos agriculteurs, et en particulier pour la création du POSEI agricole. Elle a été décisive pour les régimes de taxation dérogatoires aux règles du marché commun avec l’octroi de mer, de même que pour obtenir toutes les dérogations ou traitement de faveur au sein du budget de l’Union. Je pense à l’enveloppe additionnelle pour les surcouts.

Tout ceci, Madame la Présidente, ce sont des instruments et des moyens. Mais ce ne sont que des instruments et des moyens pour accompagner votre vision stratégique, votre ambition pour le territoire pensée et portée par l’Assemblée régionale, par les Réunionnais eux mêmes, pour eux mêmes. Ce n’est pas à Bruxelles, ni à la Commission européenne, ni au Parlement européen, pas davantage à Paris qu’est pensé le destin de la Réunion. C’est bien le sens de la régionalisation.   

Le fait que nous soyons une ile fait que nous sommes immenses. Immenses, comme l’Océan qui nous entoure.

Pour conclure, je veux dire que très souvent, on parle de nous de manière misérable : nous sommes des petites iles éloignées, isolées, pauvres. Je pense que le fait que nous soyons une ile fait que nous sommes immenses. Nous sommes sans doute beaucoup plus immenses que les pays enclavés d’Europe centrale. Nous sommes immenses, immenses comme l’Océan qui nous entoure. Nous sommes forts de toutes les promesses de toute l’économie bleue. Forts de toutes les promesses de l’océan indien, devenu nouveau centre de gravité du commerce mondial et que nous devons regarder en complément du travail avec l’Union européenne. 

Joyeux anniversaire à la Région Réunion ! 

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